Ma grand-mère, cette héroïne

Publié le par pierre eric

En Afrique, beaucoup d’orphelins du sida sont éduqués par leurs grands-parents. Aider directement les super mamies devient une aide efficace contre la pauvreté selon les milieux humanitaires.

Les grands-mères sont les héroïnes de l’Afrique. Kurt Madörin n’a aucun doute là-dessus. Cet ancien de terre des hommes suisse, spécialiste de l’aide aux orphelins, a ouvert les yeux en 2002, lorsqu’il a pris sa retraite et s’est installé en Tanzanie avec son épouse africaine. La disparition d’une génération décimée par le sida affecte autant la vie des grands-parents que celle des orphelins. En Afrique subsaharienne, un foyer sur trois est dirigé par une grand-mère. Les grands-parents sont les grands perdants du sida, proclame l’ex-humanitaire.

C’est quand il a commencé à toucher sa retraite qu’il s’est demandé comment se débrouillaient les vieux qu’il voit autour de lui en Tanzanie. La rente des aînés, c’était traditionnellement leur prise en charge par leurs enfants. Mais le sida a provoqué une profonde cassure dans la tradition africaine, constate Kurt Madörin. Bien souvent, ça ne fonctionne plus de la sorte. Il y a les victimes de la maladie et le fait aussi que les hommes veufs abandonnent souvent enfants et grands-parents. Résultat : des grands-mères, déjà appauvries, doivent prendre en charge tous les besoins des plus jeunes. Il manque une génération entre-deux et le poids psychique pour les aînés est très important.

Que faire ? Dans l’aide au développement, les aïeuls étaient des fantômes jusqu’ici. Les enfants intéressent beaucoup plus, constate Madörin. Mais les choses changent, comme l’a montré une récente conférence à Berne d’Aidsfocus, la réunion de 33 ONG suisses actives contre le sida. Certaines situations sont des plus parlantes : le sida a changé la structure familiale dans certains pays. En Afrique du Sud et en Ouganda, 40 % des enfants vivent avec leurs grands-parents. C’est même 50% au Zimbabwe. Une recherche a montré qu’à Tete, au Mozambique, dans seulement 5 villages, 774 aïeuls éduquaient 2187 orphelins. En Tanzanie, à Nshamba, 300 grands-mères s’occupaient fin 2005 de 400 orphelins dans le cadre du projet Kwa Wazee, lancé par Kurt Madörin. Ce projet verse 5 dollars par mois aux grands-mères, et 2 dollars par enfant à charge. Une aide des plus précieuses, car les personnes âgées sont souvent encore plus pauvres que la moyenne de la population. Au Kenya, les besoins d’un foyer moyen sont de 90 dollars par mois. Or les familles dirigées par une personne âgée n’ont pas plus du tiers à disposition.

Avec cette modeste rente pour personnes âgées en Tanzanie, Kurt Madörin voulait examiner les effets d’un tel apport financier, et dans un deuxième temps, essayer d’y associer les autorités du pays. Des petits montants produisent de grands effets, se réjouit-t-il. Pour lui, les préjugés contre l’aide financière directe ignorent la réalité : les pauvres gèrent très bien leur argent. Il est donc persuadé qu’une aide mensuelle est un des moyens les plus efficaces d’améliorer le quotidien des vieux, et donc des orphelins. Un filet sociale par une aide financière directe est un instrument efficace et rentable de lutte contre la pauvreté, estime Matthias Rompel, de la coopération allemande (GTZ). S’éloignerait t-on du credo selon lequel il vaut mieux apprendre à pêcher aux nécessiteux plutôt que de leur donner un poisson ? La marge de manœuvre des aînés et des enfants est limitée, analyse Matthias Rompel. Les programmes d’aide qui visent l’autonomisation des bénéficiaires leur sont moins favorables. Il faut aussi leur donner de l’argent. Pour lui, cette aide sociale n’est pas de l’argent de poche, c’est un droit de l’homme qu’il est possible de financer, mêmes dans les pays du Sud. Selon Michaël Bünte, de HelpAge Allemagne, l’évolution démographique mondiale laisse assez peu de choix : 600 millions aujourd’hui, les plus de 60 ans seront 2 milliards en 2050. Et ce sont les pays en voie de développement qui connaissent le vieillissement le plus rapide.
Cette génération invisible jusqu’ici dans la coopération internationale va devenir incontournable.

Source : infosdelaplanete.org



 
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